Mercredi 17 juillet, nous rencontrions Matthieu Quinquis, avocat au barreau de Paris et auteur d’un mémoire sur la policiarisation de l’administration pénitentiaire. Membre du bureau de l’Observatoire international des prisons (OIP), il a également participé à l’enquête récente publiée récemment sur les violences commises en détention par le personnel pénitentiaire : « Omerta, opacité, impunité » (mai 2019).
Cette rencontre passionnante a permis de retracer l’histoire de la création des ÉRIS et de leur doctrine d’emploi, de discuter de la chronologie des campagnes de recrutement du personnel de l’AP, les évolutions des répartitions de missions, du processus de privatisation,… Suivi d’un questionnement plus large sur le rôle de la détention et la mission sécuritaire de l’AP, la transformation du métier de surveillant·e pénitentiaire, et le passage de l’ordre pénitentiaire à l’ordre carcéral.
En quelques points :
- Les ÉRIS ont été créé en 2003, dans le cadre d’une crise de l’image de l’AP suite au rapport du Sénat (2000) sur les conditions de détention « Prisons : une humiliation pour la République » et la même année la parution du livre de Véronique Vasseur, et suite à des émeutes et d’évasions spectaculaires, ou tentatives d’évasion, comme celle de Christophe Khider en 2001.
- Les missions des ÉRIS évoluent et aujourd’hui sont principalement consacrées à la sécurisation des travaux, aux opérations de fouille généralisée et de fouille sectorielle, etc.
- Ils s’intègrent dans le mouvement global de privatisation de la détention (renvoi de l’AP aux missions de greffe, d’administration et de sécurité/surveillance)
- Intégration de l’AP dans la « sécurité globale » post-11 septembre, aux côtés de la police, la gendarmerie, les douanes ou la police aux frontières, et considération de l’AP comme une force de sécurité intérieure
- Problème de la doctrine d’emploi des ÉRIS, leur mission originellement de dernier recours à la demande du directeur d’établissement, autorisation de l’usage de la force (avec une définition étendue) – l’usage des armes étant conditionné aux règles de droit commun (légitime défense, proportionnalité, dernier recours)
- 2 arrêts prononcés par la Cour européenne des droits humains (CEDH) contre la France du fait des ÉRIS, en 2011 (pour des faits remontant à 2005 et 2008)
Bibliographie
Véronique Vasseur, Médecin Chef à la prison de la santé
Loïc Wacquant, Les prisons de la misère
Didier Fassin, La force de l’ordre