Angélique et Unt ont accompagné Anne-Sophie, Mathilde, Valentine et Elise pour enseigner les bases de la langue des signes a un groupe de 8 personnes détenues à Réau. Les intervenantes ont fondé Vouloir Dire, une plateforme qui vient de sortir pour mettre en relation des interprètes avec des sourds et malentendants. Anne-Sophie et Unt ont discuté de cette expérience…
Anne Sophie – Notre projet “Vouloir dire”, une plateforme de réservation d’interprètes à destination des personnes sourdes, a postulé au concours Cognacq Jay, et par conséquent nous avons été invités à voir les lauréats. C’est là que nous avons rencontré Champ Libre, lauréat cette année là. Nous avons adoré le concept, et le feeling est passé très vite. Nous avons donc eu directement envie d’organiser une session de sensibilisation et de découverte de la langue des signes en prison. A partir de là tout s’est fait très simplement !
L’atelier ne fait que quelques heures, ce n’est pas suffisant pour une vraie formation qui inclut un apprentissage construit de la langue, avec une découverte de la syntaxe, de la grammaire… L’idée là n’était pas d’avoir une pédagogie académique ! La sensibilisation, c’est une ouverture d’esprit vers cette autre langue dont on n’a pas l’habitude, ponctuée de culture source, d’information sur comment vivent les sourds au quotidien, sur pourquoi la LSF n’est pas plus diffusée… Il faut capter l’attention des participants, et ouvrir leur réflexion. L’idée c’est de construire l’atelier tous ensemble, d’ailleurs on a fait évoluer au fur à mesure le contenu par rapport aux participants et à leur réception.
L’environnement de la prison, c’est beaucoup de portes à franchir, j’ai perdu le fil en essayant de les compter. Les bâtiments se ressemblent tous. Je pense que c’est primordial que les bénévoles soient avec nous, c’est une belle passerelle ! On a un rapport de confiance tous ensemble qui donne encore plus envie d’y aller. Une fois dans le bâtiment, l’ambiance est beaucoup plus bon enfant et pleine d’humanité entre les participants.
Ca a vraiment été une expérience forte et bénéfique pour moi. Je ne laisserai plus jamais dire que les prisonniers sont bien lotis en France, la formation m’a donné les arguments pour répondre et je ne supporte plus de l’entendre !
Pour la première séance il y avait pas mal de participants. Le deuxième samedi, nous n’avons pas pu entrer à cause d’un problème administratif. C’était très frustrant, et nous ne voulions surtout pas que les participants pensent qu’on leur avait fait faux bond. Être juste comme ça derrière la porte et ne pas pouvoir aller plus loin… Heureusement nous avons pu tout expliquer à la séance suivante, mais le nombre de présents avait déjà pas mal diminué.
L’atelier s’est extrêmement bien passé. Nous nous sommes réparties en binôme, une semaine sur deux, afin que les participants voient deux façons assez différentes de faire.
Les participants étaient très ouverts, ils avaient plaisir à être là et étaient à l’écoute. Dans la plupart des sensibilisations, les gens n’osent pas… là ils n’avaient pas honte d’essayer, de mimer, de faire des grimaces… C’était très confortable pour nous, et ça a rendu l’atelier très dynamique ! Ils comprenaient très vite, ils arrivaient à faire passer des idées complexes quand on leur avait donné trois signes… Des mecs super intelligents. Et leur motivation était incroyable ! D’habitude les entendants qu’on rencontre disent des choses comme “J’ai toujours eu envie d’apprendre mais ça coûte trop cher”, ou “J’ai vu à la télé une sourde, ça a l’air génial”. Là ils nous ont sorti que si demain ils avaient un enfant sourd ils voulaient pouvoir lui parler. On n’avait jamais entendu ça, c’était tellement altruiste comme motivation ! A la fin, un participant nous a avoué qu’il avait grandi avec un ami sourd, avec qui il avait fait les quatre cent coups… Ils se comprenaient quand même ! Peut-être que c’était sa motivation, que ça lui a rappelé de bons souvenirs.
En tout cas on va leur envoyer des livres pour qu’ils puissent continuer à se familiariser.