Antony Chanthanakone, accompagné de la bénévole de Champ Libre Eva Orlando, a organisé un atelier de philosophie autour de l’écologie avec des détenus de la prison de Fleury-Mérogis. Pigiste pour le site Philosophie magazine, il a mis son intérêt pour cette discipline au service d’un projet de discussion partagée avec les détenus. Pendant un mois, à raison de 4 matinées, une dizaine d’entre eux à la maison d’arrêt de Fleury-Merogis ont pu ainsi réfléchir sur le rapport de l’être humain avec la nature, la catastrophe écologique mais aussi les solutions, à l’échelle individuelle et collective, à mettre en place d’urgence. Il se confie sur cette expérience.
Comment avez-vous rencontré Champ Libre ?
Lorsque j’étais étudiant à la Sorbonne, j’étais membre de l’association Opium philosophie dans laquelle je m’impliquais dans le pôle cinéma. Toutefois, il me paraissait tout aussi nécessaire de m’engager également dans le partenariat noué avec l’association Champ Libre. J’ai toujours pensé que le savoir devait sortir des salles de classe et qu’il n’était pas réservé à une seule caste. De plus, c’était pour moi une manière, somme toute modeste, de ne pas laisser à l’abandon le milieu carcéral. Malheureusement, la pandémie a brimé mes envies. Une fois diplômé et la pandémie calmée, j’ai toqué à la porte de l’association qui m’a tendu grand ouvert les bras !
Comment se sont déroulés les ateliers ?
Avec Eva, nous ne voulions absolument pas que les ateliers se transforment en des cours austères de philosophie ! Le but premier était de partir d’une question très générale pour que les participants puissent aussi intervenir sans se sentir écraser par une discipline si impressionnante ni pas des penseurs brillants. Après une présentation d’une trentaine de minutes sur une question liée à l’écologie, où nous nous efforcions tout de même de mobiliser des modes de raisonnements philosophiques et des penseurs capitaux, le débat s’articulait autour des réflexions de chacun. Au fur à et mesure de l’atelier, les participants venaient de plus en plus préparés d’une séance à l’autre. Je crois qu’ils ont apprécié cet espace de discussion qu’on leur offrait.
Que retenez-vous de l’expérience ?
La curiosité des détenus m’a stupéfait ! Ils étaient très informés sur la question climatique et n’hésitaient pas à prendre des positions extrêmement tranchées. Ceci dit, je crois que, la discussion aidant, ils ont aussi appris à écouter les arguments contraires aux leurs. Autre chose : ils n’avaient aucune peur à se confronter à des auteurs parfois difficiles. Par exemple, Bruno Latour leur a beaucoup plu et a suscité de vives remarques ! J’ai été tout à fait impressionné ! Quant à moi, cette expérience n’a fait que confirmer mon intuition première : il est plus que temps de rendre la prison plus ouverte. Tout le monde en sort gagnant. Je reviendrai !